L’accès aux services de consultation en santé mentale par les immigrants et réfugiés au Canada
Ce que l’on sait déjà sur le sujet?
Les consultations en santé mentale sont importantes pour prévenir la maladie mentale et promouvoir le bien-être psychologique. Cependant, peu d’études ont porté sur l’accès des immigrants aux services de consultation en santé mentale au moyen de données nationales et très peu ont présenté une analyse des disparités d’accès entre les groupes d’immigrants en fonction de leurs caractéristiques au moment de leur établissement.
De manière générale, des travaux antérieurs ont révélé que les réfugiés éprouvaient plus de stress ou obtenaient de moins bons résultats en matière de santé mentale comparativement aux autres immigrants ou aux personnes nées au Canada. L’état de la santé mentale diffère considérablement selon les caractéristiques des immigrants, comme leur région d’origine et le temps passé au Canada. Il est nécessaire d’examiner le lien entre l’état de santé mentale et l’accès aux services de consultation en santé mentale au sein de ces groupes.
Article
Auteur.e.s : Edward Ng, Haozhen Zhang travaille
Oranisations : Statistique Canada, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, à Ottawa en Ontario
Date : Juin 2021
Résumé:
Contexte
Peu d’études quantitatives prennent en compte les données nationales pour examiner l’accès aux services de consultation en santé mentale (CSM) par les immigrants au Canada et encore moins d’études permettent d’étudier les CSM au moyen des variables suivantes : la catégorie d’admission des immigrants, le temps passé au Canada depuis leur établissement et la région d’origine. La présente étude vise à examiner, à l’aide des données d’une enquête auprès de la population couplée à l’information sur les immigrants ayant obtenu le droit d’établissement, le recours aux CSM par les immigrants et les réfugiés, comparativement à l’usage qu’en font les répondants nés au Canada, en tenant toutefois compte de la santé mentale autodéclarée (SMAD) et des caractéristiques propres aux immigrants. Fondée sur une base de données couplée, l’étude permet de tirer des renseignements bien plus précieux sur les populations des immigrants que la plupart des études antérieures.
Données et méthodes
Reposant sur les données de quatre cycles de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (de 2011 à 2014) couplées à celles de la Base de données longitudinales sur l’immigration, les rapports de cotes exprimant le recours à des CSM par la population née au Canada sont comparés avec ceux des immigrants selon des dimensions de l’immigration, tout en tenant compte de la SMAD. Les résultats ont été corrigés pour tenir compte hiérarchiquement de l’âge, du sexe, de facteurs socioéconomiques et du sentiment d’appartenance.
Résultats
Une fois neutralisés les facteurs mentionnés ci-dessus, les immigrants étaient beaucoup moins susceptibles que les répondants nés au Canada d’accéder à des CSM. Plus précisément, lorsqu’ils étaient comparés avec la population née au Canada qui présentait des niveaux élevés de SMAD, les immigrants ayant des niveaux élevés de SMAD étaient statistiquement moins susceptibles d’avoir eu recours à une CSM (rapport de cotes [RC] = 0,5 pour un intervalle de confiance [IC] à 95 % allant de 0,4 à 0,5), tandis que ceux ayant de bas niveaux de SMAD étaient plus susceptibles de déclarer une CSM (RC = 4,8 pour un IC à 95 % allant de 4,5 à 5,1 pour la population née au Canada, mais RC = 1,8 pour un IC à 95 % allant de 1,5 à 2,1 pour les immigrants). La plupart des immigrants asiatiques ayant de bas niveaux de SMAD étaient seulement aussi susceptibles de déclarer des CSM que les répondants nés au Canada présentant des niveaux élevés de SMAD. Par ailleurs, le taux de CSM n’était que légèrement plus élevé chez les réfugiés ayant de bas niveaux de SMAD (RC = 1,6 pour un IC à 95 % allant de 1,1 à 2,3) que chez les personnes nées au Canada présentant des niveaux élevés de SMAD. Dans l’ensemble, les réfugiés n’étaient pas plus susceptibles que les immigrants d’autres catégories d’admission de déclarer avoir eu recours à une CSM, et ce, malgré le fait que des résultats antérieurs ont révélé que les réfugiés déclaraient de bas niveaux de SMAD.
Interprétation
La présente étude fournit de nouvelles données probantes sur les disparités en ce qui a trait à l’accès aux services de CSM entre les personnes nées au Canada et les immigrants selon diverses caractéristiques, tout en tenant compte de la SMAD. Les résultats traduisent probablement l’existence d’obstacles structurels ou culturels qui entravent l’accès aux services de CSM et donnent une piste de solution pour préserver ou améliorer la santé mentale des immigrants.
Mots clés
Catégorie d’immigrant, consultations en santé mentale, données couplées, réfugié
Que dois-je retenir de cette recherche ?
Comparativement aux répondants nés au Canada, les immigrants, dans l’ensemble et par catégorie d’immigration individuelle, sont moins susceptibles d’avoir consulté des professionnels de la santé mentale, même après correction pour tenir compte de la santé mentale autodéclarée.
Malgré le fait que des travaux antérieurs révèlent de manière générale que les réfugiés déclarent de bas niveaux de santé mentale, dans l’ensemble, les réfugiés ne sont pas plus susceptibles de consulter des professionnels de la santé mentale que les immigrants de la catégorie économique ou issus du regroupement familial.
De manière générale, les immigrants asiatiques sont moins susceptibles de consulter des professionnels de la santé mentale, tandis que ceux provenant des États-Unis, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et de l’Europe de l’Ouest sont plus susceptibles de consulter des professionnels de la santé mentale que les immigrants d’autres régions du monde, même lorsque l’on tient compte des disparités liées à leur niveau de santé mentale.
Prochaine étape
De futures études pourraient permettre d’examiner de plus près les raisons pour lesquelles certains sous-groupes d’immigrants accèdent beaucoup moins que d’autres aux services de santé mentale. Plus précisément, cet accès réduit résulte-t-il d’obstacles culturels et linguistiques ou d’obstacles structurels, comme des enjeux liés au transport ou au temps nécessaire pour se prévaloir des services? D’autres travaux de recherche pourraient également traiter des hospitalisations liées à la santé mentale, une source de données complémentaire aux données d’enquête subjectives utilisées dans la présente étude, afin de corroborer les résultats généraux actuels sur les CSM.