À l’occasion de la Semaine nationale de l’immigration francophone, nous avons rencontré Rochelle Fletcher, directrice de l’acquisition de talents et de l’expérience des employés au sein du GNB Mosaik, ainsi que Mariia Shkurat, gestionnaire de programme chez GNB Mosaic.
PSMIR : Selon vous, comment le programme GNB Mosaik a-t-il changé la façon dont les nouveaux arrivants trouvent un emploi au sein du gouvernement du Nouveau-Brunswick ?
Intervenante 1 : Le programme Mosaik a apporté plusieurs changements majeurs. L’un des plus importants a été de rendre les entrevues plus accessibles aux personnes dont la langue maternelle n’est ni l’anglais ni le français. Pour la première fois, nous avons intégré des services de traduction dans le processus d’embauche. Par exemple, Maria a pu s’exprimer en ukrainien pendant son entrevue, tandis que le gestionnaire d’embauche répondait en anglais, grâce à la technologie de traduction.
C’était notre première étape vers l’assouplissement de l’exigence linguistique. Nous avons également collaboré avec des organismes d’établissement pour offrir de la formation linguistique, et parfois même à l’interne. Par exemple, une nouvelle employée suivait des cours d’anglais chaque matin, puis travaillait l’après-midi avec une traductrice à ses côtés. Aujourd’hui, elle parle couramment anglais et travaille de manière autonome.
Un autre changement important a été de rendre le processus d’entrevue moins rigide. Certaines personnes interviewées étaient encore en transition après avoir fui l’Ukraine. Nous avons mené des entrevues là où elles pouvaient se connecter, même depuis leur voiture. En supprimant l’obligation d’entrevues en personne, nous avons pu rencontrer les candidats là où ils se trouvaient.
Enfin, nous avons instauré une politique interne exigeant que les ministères consultent d’abord la banque de candidats du programme Mosaik avant d’afficher leurs postes à l’externe. Comme le gouvernement du Nouveau-Brunswick est le plus grand employeur de la province, nous avons estimé qu’il était de notre devoir de donner l’exemple et de démontrer notre ouverture à l’embauche de nouveaux arrivants.
Cette approche a aussi favorisé la rétention. Autrefois, de nombreux nouveaux arrivants s’installaient au Nouveau-Brunswick pour ensuite partir vers de plus grandes provinces. En leur offrant rapidement un emploi significatif, nous avons réussi à garder davantage de personnes ici et à renforcer les communautés locales.
Intervenante 2 : Nous avons également revu notre processus de présélection et formé le personnel des ressources humaines pour mieux comprendre les besoins des nouveaux arrivants. Cette formation se poursuit encore aujourd’hui, notamment grâce à nos partenariats, comme celui avec la Commission des droits de la personne.
Un autre volet essentiel est le programme de mentorat. Être embauché n’est que la moitié du parcours ; l’autre moitié consiste à apprendre à vivre et à s’épanouir dans une nouvelle communauté. Les mentors aident les nouveaux employés à s’adapter à la culture du travail canadienne, aux pratiques organisationnelles et même à la législation. Ce soutien est devenu un pilier du programme Mosaik au fil des quatre dernières années.
PSMIR : Beaucoup de nouveaux arrivants se disent parfois déçus par les organismes d’établissement, qui n’arrivent pas toujours à répondre à leurs attentes en matière d’emploi, surtout pour des postes professionnels. GNB Mosaik semble avoir comblé cette lacune. Qu’est-ce qui rend votre approche différente ?
Intervenante 2 : GNB Mosaik est complètement différent des organismes d’établissement traditionnels. Nous jouons un rôle de pont entre les nouveaux arrivants, les ministères du gouvernement, les organismes d’établissement, ainsi que les établissements d’enseignement qui offrent du soutien linguistique et de la formation.
Les organismes d’établissement font un travail essentiel, mais ils ne sont pas des employeurs. Leurs structures sont petites, et les possibilités d’emploi y sont limitées. Nous, au contraire, représentons un grand employeur qui dispose de véritables postes à combler. Nous recueillons aussi les commentaires de nos participants et adaptons nos programmes en conséquence — parfois en changeant de partenaires, parfois en révisant le contenu des programmes.
Intervenante 1 : Intervenante 1 :Exactement. La grande différence, c’est que nous ne faisons pas que mettre les gens en contact : nous les embauchons. Les organismes d’établissement peuvent seulement aller jusqu’à un certain point ; ce sont les employeurs qui doivent prendre leurs responsabilités. Partout au Canada, davantage d’employeurs devraient s’engager à recruter des nouveaux arrivants et à reconnaître la valeur qu’ils apportent.
Embaucher des nouveaux arrivants, ce n’est pas de la charité ; c’est un investissement intelligent. Cela rend les milieux de travail plus créatifs, plus innovants et plus représentatifs des communautés qu’ils servent. En tant que gouvernement, nous avons le devoir de montrer l’exemple.
PSMIR : Le Nouveau-Brunswick est une province bilingue, et le gouvernement fédéral a pris l’engagement d’augmenter l’immigration francophone. Comment GNB Mosaik soutient-il les nouveaux arrivants francophones, et quels sont les défis spécifiques auxquels ils font face ?
Intervenante 1 : Intervenante 1 :Notre programme se concentre sur les nouveaux arrivants déjà installés au Nouveau-Brunswick, plutôt que sur le recrutement international. D’autres divisions du gouvernement s’occupent du recrutement de professeurs, de médecins et de travailleurs de la santé francophones.
Les nouveaux arrivants francophones ici rencontrent certains défis uniques. Le Nouveau-Brunswick n’est pas aussi multiculturel que les grandes provinces, et beaucoup s’installent dans de petites villes rurales où il peut être difficile de trouver une communauté francophone établie. Créer ce sentiment d’appartenance est donc essentiel.
Même si la province est officiellement bilingue, l’anglais reste dominant dans de nombreux milieux de travail. Ainsi, même lorsqu’une personne est embauchée pour un poste en français, une certaine connaissance de l’anglais demeure souvent nécessaire.
GNB Mosaik n’a pas créé de programme distinct pour les francophones, mais nous collaborons avec un autre programme appelé Future GNB (aussi connu sous le nom d’Avenue GNB), qui offre des stages étudiants. Nous élargissons les possibilités pour les étudiants francophones, qu’ils soient internationaux ou canadiens, afin qu’ils puissent travailler entièrement en français plutôt que dans des milieux bilingues.
PSMIR : Pourquoi, selon vous, l’emploi est-il si important pour une intégration réussie ?
Intervenante 1 :
L’emploi donne un sens, une stabilité et une dignité. Tout le monde veut contribuer, se sentir utile et subvenir aux besoins de sa famille. Le travail soutient aussi la santé mentale, car il offre des liens sociaux et une structure quotidienne.
Du point de vue du gouvernement, lorsque nous invitons des gens à s’établir au Canada, il existe une promesse implicite d’un emploi significatif. GNB Mosaik nous permet de tenir cette promesse. Nous aidons les nouveaux arrivants à trouver un emploi qui correspond à leurs compétences et à leurs aspirations, afin qu’ils puissent être fiers de leur travail. Plusieurs nous disent que travailler pour le gouvernement du Nouveau-Brunswick est pour eux une façon de redonner à la communauté qui les a accueillis. Un emploi valorisant, ce n’est pas seulement un revenu ; c’est aussi un sentiment d’appartenance et d’autonomie.
PSMIR : Quelles leçons d’autres provinces ou organisations pourraient-elles tirer du programme GNB Mosaik?
Intervenante 2 : Une des grandes leçons est que l’intégration va bien au-delà de l’embauche. Il s’agit de créer un véritable écosystème multiculturel, et cela commence bien avant l’entrevue. Le processus débute dès la rédaction du CV et se poursuit par le mentorat, la formation et la participation à la vie communautaire.
Intervenante 1 : Je dirais aussi que plusieurs provinces parlent de pénurie de main-d’œuvre qualifiée, mais lorsque nous ouvrons nos portes aux nouveaux arrivants, cette pénurie disparaît souvent. Bon nombre de nos candidats sont en réalité surqualifiés pour les postes offerts.
Nous avons appris à être à l’aise avec l’idée d’embaucher des personnes ayant plus d’éducation ou d’expérience que ce qui est exigé pour le poste. Plutôt que d’embaucher uniquement selon l’expérience, nous embauchons selon le potentiel. Les compétences techniques peuvent s’enseigner ; la motivation, l’adaptabilité et la créativité, non.
Embaucher selon le potentiel ne fait pas que combler les postes ; cela renforce notre main-d’œuvre, réduit le roulement et favorise l’innovation. En misant sur les talents des nouveaux arrivants, nous ne faisons pas que répondre à un besoin de main-d’œuvre : nous bâtissons une fonction publique plus inclusive et tournée vers l’avenir.
Réflexions finales
Le programme GNB Mosaik démontre qu’une inclusion réelle est possible lorsque les employeurs jouent un rôle actif pour éliminer les obstacles et soutenir les nouveaux arrivants au-delà de l’embauche. En offrant des services de traduction, des entrevues flexibles, du mentorat et des parcours d’intégration dédiés, Mosaik montre comment les institutions publiques peuvent amorcer un changement systémique, une embauche à la fois.
Son succès met aussi en lumière une vérité plus large : la rétention et l’intégration commencent avec l’emploi. Lorsqu’on donne aux nouveaux arrivants des occasions significatives de contribuer, ils ne trouvent pas seulement un emploi ; ils trouvent une communauté, un sentiment d’appartenance et une raison de s’enraciner au Nouveau-Brunswick.